#31

Bonsoir, bonne nuit à ceux qui dorment encore, ou déjà.

 

J’écris le numéro dans le titre, sans titre pour une fois, parce que voilà, c’est le vide. J’écris donc 31, et je me rappelle que plus jeune, j’aimais dessiner des vêtements. Un jour, sur mes brouillons d’examens, j’avais griffonné des tas de vêtements. 31 au juste. Et je m’étais dit que si je créais un jour une marque de vêtements, je l’appellerais 31. En souvenir de ce premier gribouillis, et aussi comme dans « se mettre sur son 31 ». ça me plaisait bien. Puis le temps a passé, et ce brouillon de projet, comme tant d’autres, a fini à la poubelle.

Je ne dors pas, ce soir. Cette nuit. Je n’ai pas envie de dormir. Je n’ai plus ce courage, comme je n’ai plus le courage de me lever le matin. Et je sais que ce n’est qu’une boucle sans fin, donc je me débats pour l’enrayer, bêtement, ayant pourtant la certitude que c’est une vaine tentative. « En Septembre, t’étais plus dynamique ». Certes, je l’étais. J’ai passé un an en prépa, à dormir entre 4 et 5h par nuit, et à parvenir tout de même à sauter de mon lit dès que le réveil sonnait. Je n’y arrive plus.

Je n’arrive plus non plus à appréhender l’angoisse. La refréner, la calmer, l’enfouir, la mettre de côté. L’angoisse est là, insidieuse, et quand elle décide de s’imposer à moi, je m’effondre. Je pleure, et ne peux rien me répéter d’autre que « J’angoisse, sans même savoir pourquoi ». J’ai souvent froid. Je ne suis pas frileuse, à la base. Mais j’ai froid, de l’intérieur. Alors le froid de l’extérieur me fait peur. Je m’enroule dans mes couettes, mes duvets, mes plaids. Mon pull doudou, aussi. Quand j’ai besoin de sentir quelque chose autour de moi, d’être entourée, de me prendre dans mes bras.

Ne vous méprenez pas, je ne suis pas malheureuse. Je vis tellement de choses magnifiques, je suis entourée de personnes exceptionnelles, que j’aime profondément, avec qui je vis des expériences que je n’oublierai jamais, et je ressens un bonheur que je ne peux mesurer. Mais mon horloge s’est détraquée. Je passe de joie intense à tristesse dévorante, d’une chaleur rassurante au froid piquant de mes colères… En l’espace d’une seconde. Le terrible balancier est lancé, immuable, régulier, sans appel.

Je me suis détraquée, je suis sortie du cadre, j’ai poussé les frontières, détruit les digues, expérimenté. Laissée dépasser, sans doute, aussi.

Enfant, j’ai fait un rêve. Je tombais, dans un trou sans fond, immense, avec des sortes de balcons sans balustrade sur tous les côtés, emplis des gens que j’aimais. Ils me tendaient la main, et lorsque je les atteignais presque, la retiraient en souriant. Une image me traverse souvent en ce moment: celle d’un trou, profond, avec un escalier tout autour, comme dans Le Labyrinthe de Pan. J’ai l’impression d’être tombée dans ce trou, et de devoir remonter les marches, une à une, malgré les blessures de ma chute. Je sens chaque pas, lorsque je marche dans la rue, je sens chaque pas meurtrir mon corps un peu plus. Mais j’entrevois la lumière, et je sais que chacun de ces pas qui m’en approche me permettra de guérir. Alors je marche encore, je mets un pied devant l’autre. Il n’y a personne dans ce trou, cette fois il n’y a personne, mais je sais pertinemment que tous à la surface guettent mon retour.

Et j’ai monté quelques marches. Il en reste sans doute beaucoup encore, comme souvent la chute est bien plus rapide que la remontée. J’ai vécu, vie personnelle mise à part, un premier semestre proprement effrayant. Peu à peu l’idée à germée dans mon esprit: dépression. Le mot peut faire peur, mais il reste plus rassurant que l’incertitude et la simple idée d’être en train de devenir folle. L’autre jour, j’ai mis un mot sur une sensation désagréable que j’ai ressenti au premier semestre, en tombant sur un article. Je l’ai fait lire à une très bonne amie, sans doute la seule qui dans mon entourage proche puisse me comprendre sur divers plans, à la fois personnel puisque nous avons des traits communs et qu’elle peut faire preuve d’une empathie peu commune (à savoir une empathie enrichie par des capacités intellectuelles permettant une bien meilleure compréhension), et professionnel puisqu’elle a le bon goût d’être psychologue. Elle a eu un seul commentaire, avec une bienveillance qui lui est propre, et qui va toujours droit au cœur: « Je ne pense pas que ce soit dû à un manque de magnésium… ». Je le sais, au fond, et je l’accepte, peu à peu. Et peu à peu, je suis sûre de trouver la force et le courage, la « bonne étoile » qui m’a toujours suivie, pour remonter ces foutues marches, et me sentir moins essoufflée.

Pour conclure, cette même amie m’a envoyée une citation, dont je laisse tomber une partie par ici: « […] et la seule question que nous nous posons, c’est de savoir pourquoi l’on doit commencer par tomber malade pour avoir accès à une telle vérité. » (Freud)

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Notes aux lecteurs éventuels: c’est un texte très personnel, propre à mes délires de prose, c’est-à-dire à ces moments où j’ai besoin d’écrire pour canaliser. Cela n’appelle pas de réaction, et encore moins d’inquiétude: je vais bien, ne t’en fais pas. J’aime cette idée, de poser un article là, comme une gouttelette tomberait dans un océan d’articles, et pages en tout genre. (Hé, dis, regarde, c’est mon pull-doudou en haut, celui qui me tient chaud au cœur). 

2 réflexions sur “#31

  1. Voila mille ans (au moins !) que je n’ai pas mis les pieds sur la blogo et trop contente de voir que tu es toujours la. Je vais vite rattrapper ce que j’ai ratee et ce si bel article me donne encore plus hate ! Des bisous Ana, tu m’as manquee. commentaire sans accents ! (Y)

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